L’habitat en terre est l’habitat le plus répandu dans le monde et la brique de
terre crue est l’un des plus anciens matériaux fabriqué par l’homme. Les hommes ont de tout temps construit avec les matériaux trouvés sur place, et la terre est au premier rang de ceux-ci. Du
Yémen à l’Ousbékistan, du Moyen-Orient à l'Afrique, de l’Amérique Latine à celle du Nord en passant par le Mexique et les Etats–Unis, la construction en terre crue (en opposition à la terre
cuite) a permis l’édification de villes millénaires.
Ville
en terre au Yémen (Photo extraite de www.linternaute.com)
Un village au sud du Burkina-Faso
La technique de mise en œuvre est différente d’un pays à l’autre, d’une région à
l’autre. On distingue le pisé (technique de remplissage de la terre entre des planches de coffrage – Rhône Alpes, France, Maroc, Chine, Turquie, Amérique du Sud), la
bauge (empilement de mottes de terre mélangées à de l’eau, de façon massive et sans utilisation de coffrage – Bretagne, Europe, Afrique, Asie, Amérique), le
torchis (projection de terre sur une ossature bois à clayonnage serré - Europe) ou la brique de terre crue (empilement de briques de terre moulées dans un coffre
en bois ouvert et séchée au soleil). Cette dernière est aussi connue sous le nom d’ «adobe » (Etats-Unis) ou de « banco » (Afrique de l'ouest).
La mosquée de
Bobo-Dioulaso - Burkina-Faso - Les poutres saillantes font office d'échaffaudage destiné à l'entretien de l'édifice.
Le Palais Royal en limite sahélienne - Burkina-Faso - Ornementations reprenant les motifs des moucharabiehs
La terre est rarement utilisée seule mais est souvent mélangée à des végétaux (paille) : ceux-ci assurent d’une part la cohésion du matériau (notamment
lorsqu’il y a un fort pourcentage d’argile dans la terre et que le séchage induit un retrait) et d’autre part, ajoutent à l’isolation des maisons.
Production de "banco" au Burkina-Faso
Le maître incontesté de l’architecture en briques de terre reste le célèbre architecte égyptien Hassan Fathy (1900-1989), qui a mis sa philosophie humaniste au service de son art, développant une
architecture au plus près des besoins des populations, par et pour elles-mêmes, et revendiquant l’auto-construction et l’appropriation de cette architecture par le peuple. Il lutta contre
l’invasion des techniques occidentales, inadaptées au climat, aux moyens et aux modes de vie des populations déshéritées de la Haute Egypte. Mais « Construire avec le peuple » n’est pas
qu’une leçon de philosophie : s’appuyant sur les savoirs traditionnels qui ont fait leurs preuves au regard du temps, Hassan Fathy a su exploiter toutes les possibilités de la construction
en terre, redécouvrant le principe de la voûte nubienne, de la coupole, de la régulation thermique, de la ventilation naturelle : « A la Nouvelle Gourna il emploie des capteurs d’air pourvus d’une chicane où l’air est humidifié, en passant sur des
lits de charbon humide. Ces charbons sont une modernisation des « maziarate », les grands récipients en céramique poreuse, qui humidifiaient et rafraîchissaient l’air dans les bâtiments
égyptiens traditionnels. Hassan Fathy, avec ses lits de charbon, a atteint une baisse de température de 10°C entre l’intérieur et l'extérieur des maisons. »
(link).
Contesté parfois pour son archaïsme et son anti-modernisme, Hassan Fathy était
cependant précurseur de la maison écologique et bioclimatique : sublime contradiction ! Il laisse derrière lui des exemples extraordinaires de construction en terre, sur lesquels
l’homme d’aujourd’hui peut s’appuyer.Habitat en terre réalisé par Hassan Fathy - Egypte (photo extraite de www.design2share.com)
De la brique moulée à la brique compressée, il n’y a qu’un pas. La Brique de Terre Compressée
(BTC) est produite à partir de presses manuelles, mécaniques, ou hydrauliques. François
Cointeraux (1740-1830), qui contribua beaucoup par ses études au développement de la construction en terre, invente la "crécise", instrument de compression qu'il utilise dans la
mise en oeuvre du pisé. Mais c'est au XXe siècle qu'apparaît la première véritable presse à briques : la CINVA RAM, mise au point en Colombie au milieu de XXe par l’ingénieur Raül
Ramirez, inonda largement le marché de la construction en briques de terre. Depuis, les presses se sont perfectionnées jusqu'à produire de très belles briques de grande qualité.
Cette technique universelle, séculaire, naturelle et vernaculaire n'a jamais cessée d'être utilisée dans les pays pauvres. La substitution récente du
béton à la brique de terre dans ces pays est un non-sens total dont chacun peut prendre la mesure, non seulement pour des raisons économiques (surcoût des transports et de la fabrication du
béton), pour des raisons de savoir-faire (la technique et les moyens de mise en œuvre de ces matériaux sont méconnus à l’inverse de la construction en terre traditionnelle) mais aussi pour des
raisons climatiques évidentes : la terre apporte un confort thermique inégalé que bien des habitants de maisons modernes regrettent. Aujourd'hui, près d'un tiers de la population mondiale
habite dans des maisons en terre. Ce chiffre sera amené à croître dans les décennies à venir, au regard de la recrudescence de l'utilisation des matériaux naturels dans la construction, du
développement des maisons bioclimatiques et de la recherche du bien être dans le respect de l'environnement.